Sahel Guibaré

Avant l’arrivée des projets de développement, nous n’avions ni dispensaire, ni forage, ni grande route, ni école. Maintenant tous ce services nous entourent cela encourage les populations à rester ici.

Kabre Gontenga

Le jumelage coopération, que j’ai lancé sur le département de Guibaré au Burkina Faso en limite du Sahel, constitue l’aventure la plus forte que j’ai pu mener sur cette terre.

Je la dois à deux hommes : Fernand Guillet président fondateur d’Europe Inter Echanges regroupant 15 villes et villages normands du plateau Est de Rouen et Philippe Milon grand manitou et initiateur du jumelage coopération sur le département voisin de Tikaré. Mis au défi par ces deux humanistes je me suis retrouvé en situation de fonder ce jumelage coopération en 1985 à l’occasion d’un premier voyage qui me mit face à des centaines de femmes, hommes et enfants très démunis dans la misère mais ne manquant pas de courage et de culture. Mon épouse et mes enfants ont soutenu cet engagement coûteux en voyages et en temps de vacances mais combien enrichissant.

En près de dix ans je fis 16 voyages au Burkina amenant à Guibaré des délégations de Normands, organisant le jumelage comme une entreprise avec des responsables santé, éducation, économie, artisanat, recherchant des fonds, des bénévoles, sensibilisant les habitants par des expositions, des interventions dans les écoles, des journées de l’eau, de l’arbre, des ventes de produits artisanaux, des publications, des cartes postales. Les recherches de subventions s’élargirent avec le temps : Département, Région, Coopération, Europe, entreprises. Et tout cela en travaillant à plein temps professionnellement.

Là-bas il nous fallut connaître ce département tout neuf créé par le président visionnaire Sankara. La pauvreté était extrême dans la plupart des villages, pas de routes, très peu d’équipements sanitaires et scolaires pour ces 25 000 habitants répartis en 13 villages. Nous allions de village en village, revenant dormir à la belle étoile sur la terrasse du préfet pour mieux comprendre les besoins, les forces en présence, coutumières, administratives, et révolutionnaires ! Nous dressâmes une carte du département et de ses pistes et composantes hydrauliques, et surtout nous agîmes. La connaissance de Mariam Ouedraogo et de sa nombreuse famille mossie m’aida beaucoup à comprendre la sociologie et psychologie de nos interlocuteurs.

JPEG - 77.7 ko
JPEG - 5.6 Mo

Le principe de l’action était simple, nous amenions l’argent et quelques moyens, nous définissions avec nos interlocuteurs les actions village par village en accord avec les administrations, et ce sont les « bénéficiaires » qui mettaient en œuvre les projets de développement. Nos délégations tous les six mois et l’embauche d’un collaborateur burkinabé nous permettaient de suivre et de rectifier, le cas échéant, les projets. Par semaine de déplacement (jamais plus) je tenais jusqu’à cinquante réunions sans compter les soirées festives au son du tam-tam : épuisant mais passionnant.

La liste de ce que nous avons pu faire avec nos amis burkinabés est longue : barrage hydraulique, forages, mares, diguettes anti érosives, plantations, écoles, dispensaires, pharmacie, équipement de maternité, banques de céréales, maraîchage, élevage, centre artisanal, petits projets commerciaux pour les groupements de femmes, parrainages des enfants méritants… Pour ce faire nous fonctionnions par dons pour les équipements publics et par prêts pour les projets ayant une rentabilité économique que nous calculions ensemble à la lampe tempête le soir au tableau noir des écoles.

JPEG - 2.7 Mo
JPEG - 2.6 Mo

Bref ce fut une aventure fantastique qui permit au départent de Guibaré, grâce au courage et à l’honnêteté de ses habitants, de rattraper son retard considérable sur les départements voisins voire même les dépasser. Bien sûr il y eut des échecs (surtout dans le domaine des plantations) et des accrochages (quand il fallut réconcilier des villages ou éviter les jalousies, des non- remboursements, des petites disparitions d’argent) mais je fus grandement aidé dans ce travail par une équipe formidable : Brigitte Varin, Catherine Laudou, Colette Flornoy, (mais aussi Colette Acher, les Martinez, Marcel Foucault qui prirent ma suite) et bien d’autres bénévoles au premier rang desquels Claudine militante active.

A Guibaré des fonctionnaires remarquables furent des appuis solides et patients comme Fabrice Ouedraogo, Karim Sawadogo et certains chefs de village et singulièrement le chef de Watinoma que j’aimais comme un père. Ces amis nous avons pu, une fois, les faire venir en France.

Après mon départ (j’avais quitté la Normandie depuis très longtemps et les allers-retours Rouen Draveil dans la nuit devenaient épuisants) l’action a perduré avec moins d’intensité dans le domaine économique et hydraulique. Le jumelage a bénéficié de l’ordre du mérite national burkinabé en 2005. J’ai pu raconter ce jumelage coopération et d’autres (sur Draveil notamment) et surtout essayer de le formaliser dans mon livre « le Sahel reverdira » en 2010, soit dix ans trop tard le temps de trouver un éditeur, l’Afrique n’intéressant pas grand monde en ce temps-là.

JPEG - 1.7 Mo
JPEG - 429.3 ko
JPEG - 80.1 ko
JPEG - 107.3 ko
JPEG - 74.6 ko

L’évolution dramatique du Sahel avec l’infiltration des Djihadistes et les coups d’état des putschistes au Mali, Burkina et Niger seront pour moi une profonde tristesse.